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Lundi 30 mai 2016

KyRGHyZSTAN

Pour une fois, le passage de la frontière entre la Chine et le Kyrghyzstan n'était pas un vain mot.

Nulle digression sur le bienfondé d'imposer une limite entre le sapin de gauche et celui de droite.

Au Torugart Pass, pas de doute, on franchit une ligne claire et distincte, un avant et un après géographique.

Au Torugart Pass, on quitte un morceau d'Asie pour arriver sur une miette d'Europe.

Bien sûr, les gens ont encore les yeux un peu bridés, le teint mat et des habits surprenants (enfin, cela reste assez classique, si ce n'est le chapeau de lutin malicieux).

Mais, pour le reste, c'est incroyable, on dirait qu'on est déjà sur la route du Jaunpass, sans les drapeaux suisses au balcon. 

Les voitures sont en bon état, il y a des camions Renault et une route lisse avec une jolie ligne au milieu…

Et c'est surprenant, parce qu'on ne s'y attendait pas.

Pour tout dire, d'ailleurs, on ne s'attendait à rien car, depuis l'Inde, on a le nez dans le guidon, on s'en prend plein la figure à gérer les odeurs, la foule, puis le silence minéral et vertical des 7000 pakistanais sous escorte policière et une traversée de Chine au pas de course.

Ce qui fait que, le jour où on était devant le petit portail ridicule, au sommet du Torugart Pass, et qu'on attendait le douanier chinois avec sa clé, on ne savait encore toujours pas combien de Z et de Y il fallait mettre dans le prochain pays, et ce qu'on allait trouver derrière les petits barreaux…

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A la frontière kyrghyze, pas besoin d'asperger le camion avec des petits jets de désinfectant dérisoires, sous prétexte d'hygiène préventive (à moins que cela ne soit pour enlever les pucerons de nos fleurs en plastique…). 

Il y avait un vent glacial, du grésil, ça soufflait à l'horizontale, ça coupait la respiration comme quand on plonge imprudemment dans un lac de montagne gelé.

Les douaniers avaient des toques en peau de loutre, des vestes énormes. Tout était écrit en caractère russe, on se croyait dans l'antichambre de la Sibérie. Il ne manquait plus que le beau James, un peu de John Le Carré et les moufles de Gorbatchev pour qu'on se croie arrivé dans un film où le méchant mange du goulache.

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Heureusement, les démarches administratives ont été chaleureuses, conviviales et rondement menées. C'est rigolo, les douaniers sont installés dans des espèces de containers posés dans un hangar glacial. Le container est séparé en deux dans la longueur. Il y a un côté avec des chaises, des bureaux, des ordinateurs, des douaniers et de la chaleur. Et il y a un côté avec un couloir, des « bancs » comme dans une station de métro, des touristes frigorifiés, des camionneurs en transit, et un froid glacial. Alors, pour grappiller un peu de chaleur, et , sous prétexte de vérifier nos numéros de passeports, on penche tous notre petit corps engourdi (enfin, surtout la tête et, avec un peu de souplesse, la partie supérieure des tendons de la clavicule) par la petite ouverture qu'il y a entre les bureaux et le couloir, dans l'espoir de se réchauffer un peu. Ça ne marche pas vraiment…

Ensuite, on a dû payer une taxe anti-pollution avec un taux de change  très étrange et pas de reçu… mais on fumait un peu noir pour commencer d'argumenter.

On a fait une dernière accolade à nos copains Dean et Sally avant qu'ils ne se transforment en glaçon, puis on a filé en direction de Bishkek. 

Dans la capitale, on va faire notre visa kazakh, et surtout, on va retrouver notre copain Rémy, qui vient partager 9 jours dans notre petit habitacle.

Evidemment, le trajet pour Bishkek a pris un peu plus de temps que prévu…

D'abord, le moteur s'est mis à chauffer comme un fou, alors qu'il devait faire -15 entre deux flocons. Olive a tenté une opération de la dernière chance en dévissant un bouchon connu de lui seul, ce qui a eu pour effet d'envoyer un jet brûlant vert-fluo sur la chaussée, 2 kilomètres après la douane. Heureusement que la taxe anti-pollution qu'on venait de payer n'était pas proportionnelle aux litres de produits toxiques qui se sont immédiatement figés dans la nature sauvage. J'exagère un peu, forcément, mais on était quand même légèrement inquiets, car le moteur n'aurait pas dû chauffer, et, en plus, on venait de perdre quelques précieux litres de liquide de refroidissement…

Ce qui fait que, un peu plus tôt que prévu, nous avons dû chercher un bivouac pour faire de la mécanique. Nous avons trouvé un endroit qui, le lendemain, lorsque la tempête s'était calmée, s'est avéré magnifique, avec de vastes prairies, des montagnes enneigées juste en dessus, des troupeaux de chevaux et des fiers cavaliers qui viennent partager un bout de cigarette, à défaut d'une conversation prolongée, nos connaissances en kirghize et en Russe restant encore relativement médiocres, pour ne pas dire nulles…

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Olive, de ses doigts magiques, a réussi à réparer le thermostat, puis on est reparti, confiants, en direction de Bishkek. La route était bonne, voire même excellente, mais il y avait parfois encore des sections en travaux et là, forcément, c'était un peu plus long, on cahotait dans la boue…

Mais ce qui nous a pris du temps, c'est de s'habituer à lire très vite en cyrillique pour réussir à trouver les produits de base lorsqu'on arrive dans un nouveau pays : du cash, une carte SIM et un restaurant pour goûter la cuisine locale. Et c'est ce que nous avons cherché dans la première ville, 200 kilomètres après la frontière, Nahrin.

Vu les températures relativement fraîches, les magasins et les bistrots ne sont plus à ciel ouvert, et c'est, bien souvent, 500 mètres plus loin que notre cerveau ramolli devine le mot « magasin », « café », « office », « banque », « téléphone ». Comme on est déjà presque en Europe, on n'ose plus se garer n'importe où, à côté des 50'000 charrettes qui traînent, des touk touk en triple file et de la vache qui broute les ordures du bord de route, parce que, dorénavant, on ne voit plus ça. On est obligé de chercher un parking. Il y a des fils de trolleybus, des feux rouges, des sens interdits, des passages piétons où il faut s'arrêter, on avait perdu l'habitude, et ça prend plus de temps.

Vers 14 heures, on avait enfin réussi à trouver une banque avec un distributeur qui fonctionne, on avait une carte SIM avec de l'internet illimité, et il ne nous restait plus qu'à trouver le restaurant. 

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On s'est d'abord perdu dans une espèce de salle des fêtes en haut d'un « centre commercial » à la soviétique, avec des boutiques qui vendent des chaussures en cuir des années 50 et des housses pour machines à écrire. Après, on nous a conseillé de marcher tout droit, tourner à gauche puis encore à gauche (da, da, sbasiba… heureusement que les gestes du doigt sont internationaux), puis on est tombé sur un bâtiment austère, tout blanc, avec des colonnes style bâtiment administratif dans une petite commune qui se la pète et, après avoir poussé un porte, on a découvert un petit « café », qui ressemblait plus à une cafétéria, avec des tables en formica et des tableaux kitch avec des bergères, des cruches et des petites rivières, et on s'est régalé d'un petit ragoût, de cuisses de poulet gigantesques, de salade à la mayonnaise et de soupe au gras, c'était local, on était super contents. On a d'ailleurs emmené notre copain Rémy dans cet endroit lorsque nous sommes repassés à Nahrin avec lui, mais l'effet magique s'était estompé, on a trouvé la cuisine bien banale et l'endroit complètement ringard… Comme quoi, il ne faut jamais revenir sur ses pas, ça risque d'être aussi décevant qu'un tournedos rossini réchauffé…

Et, trois jours après avoir passé la douane, nous étions enfin à Bishkek !

C'est une jolie petite capitale, avec des rues parallèles et perpendiculaires, c'est mignon et facile à comprendre. Par contre, ça bouchonne… On a pris presque une heure pour traverser le centre et se retrouver vers l'ambassade du Kazakhstan, où on a trouvé une jolie place de parc sur un rond-point un peu éloigné, à côté des poubelles. 

Mais, ce qu'on n'avait pas prévu, c'est que, le lendemain, vers 6 heures, le camion poubelle est venu charger et décharger les petits containers contre lesquels on étaient accolés… heureusement, les employés ne nous ont pas confondu avec un Molock du tri sélectif et, surtout, ils n'ont pas défoncé notre flanc latéral avec leur bras télescopique, mais le réveil fut un peu brutal !

Pour faire notre visa kazakh, ça a été le marathon habituel. On dépose notre demande (mais là, c'était super facile, il n'y avait qu'un couple de touristes italiens devant nous, qu'un seul guichet, qu'un seul employé, qu'un seul petit bureau, on ne pouvait pas se faire balader dans tout un bâtiment). Une fois que la demande est validée, on part en taxi chercher la « banque nationale » pour payer le visa (là, c'était plus dur, car les chauffeurs de taxi de Bishkek se déplacent dans leur ville au feeling, sans trop savoir où se trouvent le nom des rues. Heureusement que notre GPS sur notre téléphone était un parfait connaisseur de la ville). Puis, quand on a le reçu, on revient à l'ambassade avant l'heure de fermeture pour que l'employé nous dise d'attendre une semaine. 

C'est un jeu de piste relativement simple, et, dans ce cas précis, nous avons géré avec une efficacité redoutable et, à 10h30, tout était déjà terminé, nous pouvions aller nous garer vers l'aéroport pour attendre notre copain Rémy dont l'avion atterrissait le lendemain à 4 heures du matin…

Nous avions prévu d'aller le chercher vers 7h30 devant l'aéroport, mais voilà qu'il nous a fait une bonne blague, à son image, simple, naturelle et aux capacités d'adaptation parfaites. A 7h23, quand nous avons ouvert la porte pour aller tourner le petit bouton qui permet de démarrer le camion, nous avons vu notre copain Rémy qui dormait à 50 mètres, sous un arbre, la tête calée contre son sac à dos. Il avait réussi à nous trouver tout seul, grâce à l'aide d'un taxi qui n'avait pas très bien compris pourquoi il devait déposer ce jeune homme dans les bois à 6 heures du matin…

Les enfants ont vite accroché les décorations qu'ils avaient prévues pour l'arrivée de Rémy, on a fait une photo avec lui, les yeux encore un peu rougis par la fatigue devant le camion, puis on s'est installés pour boire un petit café, comme si on s'était quitté depuis la veille…

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Et ensuite, après avoir casé les affaires de Rémy dans un petit placard vidé pour l'occasion, on est partis en direction des pistes du lac Song Kul, à 300 kilomètres de Bishkek. Et là, l'aventure kirghize a commencé !

Pour se déplacer, c'est facile. Olive conduit. Alex est assis sur le siège du milieu, derrière, et, pour les autres passagers, on joue aux chaises musicales, en fonction de la patience de chacun, de son degré d'inconfort, de sa lassitude à regarder passer les kilomètres sans s'agiter, de son envie d'étendre les jambes, de prendre des photos ou de changer de partenaire de discussion. Bref, c'est faisable, mais les moments où on s'arrête restent tout de même les meilleurs instants de la journée !

La vie à 6 dans le camion était un exercice d'équilibrisme pour se déranger le moins possible. Le soir, Rémy dormait dans notre tente, avec son sac de couchage et la fameuse couverture chinoise qu'on avait achetée au Pakistan, ce qui nous a permis un nombre incalculable de blagues salaces sur l'usage de la douce Chinoise et sa capacité à rendre le séjour sous la tente inoubliable. La promiscuité a permis à Rémy d'apprécier sans fard ni trucage la vie du voyage. Il a su ainsi évaluer à sa juste valeur le moment opportun pour valider un bivouac, descendre les vélos, faire une petite pause avant que tout n'explose ! De fait, nous avons passé un excellent séjour tous ensemble et cette belle symbiose avec notre hôte nous a juste fait regretter que nous n'ayons pas eu plus souvent l'occasion d'accueillir des amis ou de la famille dans notre joli camion.

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La route pour aller au lac Song Kul a été variée, belle, chaotique et surprenante. Et, une fois de plus, cela a pris un peu plus de temps que prévu pour arriver au but fixé…

Tout d'abord, juste après Bishkek, nous avons cru malin de commencer à argumenter en russo-sino-indo-arabe (toutes les langues que nous ne maîtrisons pas mais dont les sonorités nous semblent familières) pour ne pas payer 40 dollars à un minable péage mal opportunément placé sur notre route. Après une dizaine de minutes, du temps que le moteur se refroidisse un peu, nous étions passés à 20 dollars, ce qui nous semblait encore excessif, mais on n'a pas osé faire les rats devant Rémy et les arguments du monsieur qui semblaient en béton bien armé.

Ensuite, nous avons remonté une longue vallée pour arriver à un col situé presque à 3400 mètres. La traversée du col se fait par un tunnel étroit à simple voie duquel sont surgis quelques moutons avant notre passage, c'était très bucolique. Et, de l'autre côté, c'était vraiment magnifique. Il y avait une grande plaine, avec des sommets enneigés tout autour. Pour fêter ça, on a sorti les vélos et on s'est offert avec les enfants une descente d'anthologie dans l'herbe rase des petites collines, faisant fuir les chevaux sauvages et les moutons aux grosses fesses. Pendant ce temps, Rémy essayait de faire un vol en parapente, mais sans succès, et Olive descendait tranquillement le camion dans la plaine avec l'aide de Coralie comme co-pilote. On s'est retrouvé à un croisement de chemins pour un bivouac vraiment classe, on avait envie de se rouler dans l'herbe tellement on était heureux de retrouver un peu de verdure et de fraîcheur. Mais, toujours pour ne pas avoir l'air ridicule devant Rémy, on s'est retenus et, à la place, pour connaître d'autres sensations fortes, nous avons croqué quelques délicieuses boulettes du fromage local. Ce produit du terroir s' appelle « Kuruts », ce n'est pas aussi jaune qu'un « sugus » ni aussi performant qu'un « radar », mais ça laisse un arrière-goût tout aussi prononcé. De fait, on s'est demandé si les gens mangeaient vraiment ces petits concentrés de produit fermenté, ou s'ils se contentaient de les vendre à des touristes avides de sensations vraies, à moins qu'ils ne les fument ou se les échangent contre des cartes Panini… on ne saura jamais.

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Et, après trois jours, on est enfin arrivés au lac Song Kul. Là, je résume, sinon ça devient long. Mais, pendant ces trois jours, on a fait les courses, on a mangé dans un petit bistro super sympa en désignant 6 plats au hasard sur la carte avec succès, on a fait de l'eau, Olive a changé pour la 2ème fois le thermostat, on s'est un peu querellé pour savoir où dormir,  et pour se plaindre un peu, puis on s'est fait de bons apéros. La vraie vie de voyage.

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Au lac Song Kul, une fois de plus, c'était superbe ! On est arrivés par une piste tout en douceur, avec une équipe à vélo et une équipe en camion. On a trouvé un endroit de bivouac entre deux tas de bouteilles de vodka empilées (la vie de bergers doit être vraiment rude…), et on s'est posé, au propre comme au figuré, le terrain étant légèrement meuble et nos pneus faisant de jolies petites ornières et enfouissant 6 mètres sous terre les cales sensées nous rehausser un peu… Je pense que nous ne serons jamais mentionnés dans la catégorie « éco-concept en voyage », dommage. Je planterai un ficchus à notre retour pour compenser le bilan.

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Et, le lendemain, c'était beaucoup moins superbe, parce qu'il a plu tout le temps… Il ne faut pas croire qu'on passe toujours des journées en quadrichromie sous le soleil de printemps. Du coup, on a joué, on a lu, on a mangé et la journée est passée.

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Comme la météo semblait tarder à s'améliorer et que Rémy n'était pas avec nous pour une année, on s'est ensuite remis en route pour découvrir, réellement, les berges du lac Song Kul. Le soleil est apparu faisant découvrir un paysage kirghize typique : de l'eau, de l'herbe, des montagnes, et des yourtes. On était trop heureux d'avoir le temps et le prétexte de s'arrêter devant une de ces habitations mythiques, on se réjouissait presque d'entrer au milieu de cet entrelacs de peaux de bêtes à l'odeur forte pour goûter un fromage de yack authentique. Mais, lorsqu'on s'est un peu plus approché, il a fallu feinter pour ne pas qu'on ait sur la photo le gros 4×4 bleu nuit de 3 jeunes en survêtement adidas qui étaient en train de construire un « village » de yourtes à vocation touristique… On était super déçus, et on n'a même pas eu le droit de venir se réchauffer devant une petite tasse de thé locale.

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Pour masquer notre déception, on est allé se garer un peu plus loin pour que les enfants puissent jouer dans la rivière, puis on est repartis en direction de Nahrin. Sur le chemin, on s'est arrêté pour bivouaquer après un petit col et là, nous avons enfin rencontrés d'authentiques paysans kirghizes, qui nous ont offert, le lendemain, un excellent yogourth, ainsi qu'une jolie promenade à cheval pour les enfants.

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Et, ensuite, notre séjour s'est placé sous le signe de la rubrique d'un journal d'aventure amené par Rémy : « comment faire quand RIEN ne se passe comme prévu »… Rémy avait également amené d'autres revues, mais bizarrement, les autres titres ne se sont pas réalisés (la folle aventure de Pompéi, PimPamPoum au pays des éléphants magiques, François Hollande restera-t-il populaire ?…)

Tout d'abord, à Nahrin, on est retourné dans le restaurant qui nous avait tellement séduit, et on a trouvé cela bien quelconque.

Ensuite, des bucherons de l'extrême tentaient d'abattre un arbre sur la route principale. Mais le vent, l'alcool et la vigueur de l'arbre qui devait bien faire 20 mètres semblaient faire durer le processus jusqu'à la fin d'après-midi, heure de Moscou… Du coup, on s'est dit qu'on allait feinter la manoeuvre en prenant un petit chemin de traverse derrière Nahrin. Nous avons ainsi découvert la banlieue insolite de cette petite ville, avec des rues en terre et des petites maisons en bois branlantes, avec des cadres de fenêtres très joliment travaillés en bois sculpté, mais pas de fenêtre, ou juste du plastique transparent. C'est marrant, car l'architecture ressemble beaucoup aux petites maisons qu'on a vues en Bosnie ou en Serbie. Et là, alors qu'on longeait cette petite route en terre, et qu'on s'attendait à sentir notre camion s'élever légèrement sur le flanc droit car on montait sur un petit remblais, notre véhicule a tranquillement basculé sur la droite avec un bruit un peu étrange… De fait, le petit remblais sur la droite de la route n'était pas fait de terre, mais d'une ancienne canalisation remplie d'un gros tuyau pourri plein d'air fétide et on venait de mettre à jour ce trésor archéologique. Evidemment, les fouilles n'ont pas été faites dans les règles de l'art et, pour tout dire, on a tout écrasé sous le poids de notre camion. Heureusement, le blocage de différentiel, le système 4×4 et nos pneus de qualité supérieure nous ont sorti de ce mauvais pas. 

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Derrière nous, il y avait un gars avec une antique voiture qui nous encourageait à repartir super rapidement, à ne pas nous arrêter, à continuer de rouler, car sa voiture ne tenait pas le ralenti et il ne voulait pas devoir ouvrir le capot pour redémarrer sa voiture. Mais, tout ça, on ne l'a compris que 500 mètres plus loin, quand il a calé derrière nous avec un gros juron…

Bref, on n'était pas très fiers de nous.

Et, pour achever la journée maudite, nous avons décidé de prendre une piste bien marquée (sur la carte) en direction du lac d'Issy Kul. Mais, après avoir roulé une cinquantaine de kilomètres sur une route bien pourrie, pleine de trous, d'ornières gigantesques et de tôle ondulée, on est arrivés à un pont d'une très belle architecture en bois, mais dont le plateau penchait dangereusement sur la droite, le tout étant maintenu en place par des câbles un peu rouillés… Pour achever de nous conforter dans notre sage décision de ne pas traverser l'édifice, un panneau suggérait aux véhicules de plus de trois tonnes de ne pas s'engager dans une traversée périlleuse. La traversée à gué était également impossible, vu les falaises de part et d'autre de la rivière, on a donc fait demi-tour et on a bivouaqué dans un petit pré, dans le brouillard, à côté du cimetière, c'était lugubre ! En plus, l'ambiance dans le camion avait viré à l'orage pour une incertaine histoire de remarque mal placée (il ne faut jamais mal placer les remarques entre 18 heures et 19 heures, cela a souvent des conséquences aux effets surdimensionnés, le fameux « effet papillon » de la fin d'après-midi…).

Heureusement que, vers 21 heures, tout était redevenu extrêmement convivial, le soleil était dans les coeurs, grâce à un jeu de société super rigolo amené par Rémy où il faut mentir, tricher, voler de l'argent pour être le vainqueur, de quoi nous remettre tous de bonne humeur ! La dégustation d'une boisson locale fort répandue dans la région a également contribué à la bonne ambiance, au niveau des adultes !

Le lendemain, on est donc revenus sur la route principale pour essayer une autre piste, également bien marquée sur la carte, toujours en direction du lac Issy Kul. Mais là, c'est la mécanique qui nous a trahi ! Après avoir roulé quelques heures, un ressort des machoires de frein a sauté, faisant un joli bruit de casserole à tous les tours de roue. On a donc garé le camion sur le côté de la piste, tout près d'une jolie rivière et Olive et Rémy ont pu exercer leur talent de mécaniciens pour réparer ce facétieux petit ressort… Quand tout fut terminé, il était déjà presque 17 heures, et nous avons décidé de rester là pour la nuit.

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Le lendemain matin, on avait mis le réveil très tôt pour rattraper le temps perdu (il était déjà vendredi, et Rémy avait son avion dimanche matin). Il avait neigé pendant la nuit, 500 mètres au-dessus, c'était très joli mais encore très nuageux, frisquet et humide. Nous sommes montés à un col avec le camion dans le brouillard, la boue et la neige. On a fait trois photos puis on est redescendu dans une autre vallée et là, le temps est devenu vraiment mauvais : vent, pluie, froid. La piste était grasse, les paysans, lorsqu'on montrait « Issy Kul » en direction de l'est nous disaient : « Niet, niet », et la carte indiquait un col à 3900 mètres, alors on s'est dit que cela faisait suffisamment d'indices pour nous inciter à faire demi-tour et abandonner notre fameux projet de rallier Issy Kul par la montagne… On était super déçus. En plus, on cherchait un petit bistro pour manger local, mais on n'a rien trouvé et, en fin d'après-midi, on était enfin sur les berges du lac, au milieu des joncs, du sable et des tessons de bouteilles de vodka. Heureusement, la lumière du soir était magnifique et on a encore passé une bonne soirée.

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Le samedi matin, on s'est même baigné dans le lac en essayant de garder une respiration sereine et un sourire de circonstance, mais, de fait, c'était quand même hyper froid ! Au plus chaud de l'été, la température du lac monte à 18 degrés, on devait plutôt être autour de 14,8… Et ensuite, on est partis vers la petite ville côtière de Bachiklik pour enfin trouver un restaurant local pour le midi. Et, cette fois, la chance nous a souri. Non seulement nous avons trouvé le bistro, mais, en plus, on y a rencontré un couple de Français voyageant en camping car, de quoi mettre un peu de piment dans la soupe aux nouilles kirghizes.

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Et ensuite, on est revenus à Bishkek, sur le parking de l'aéroport.

Le lendemain, la tente de Rémy était vide et notre petit coeur aussi. On avait vraiment passé une super semaine ! 

Pour se remonter le moral, on a fait 50'000 lessives, les enfants se sont remis à l'école et on a refait les courses pour les 3 prochaines semaines, une journée inoubliable ! 

Et, le lundi 30 mai, après avoir récupéré nos passeports avec le visa kazakh tout brillant et tout neuf à l'intérieur, on a quitté le Kyrghyzstan… Le séjour avait été court mais intense ! Tout de même, cela fait bizarre de devoir, désormais, « survoler » les pays, on n'a plus le temps de folâtrer, il faut maintenant rentrer à la maison et, avec ça, on n'aura jamais vu le fameux bazar d'Osh… Tant pis, à notre retour, on ira au Carrefour Market de Bonneville, c'est sans doute tout aussi joli.

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