Dimanche 23 Août 2015
C'est dimanche. Tous mes collègues ont la boule au ventre… Demain, c'est la rentrée.
Et nous, jeunes retraités annuels, on se la coule douce en Slovénie… Quel bonheur. Même pas un petit pincement de honte, même pas un gramme d'envie, même pas une pointe de jalousie.
La seule inquiétude pour demain est la suivante : serons-nous réveillés pour la visite de 10h ou celle de 11h de la grotte de Skocjanske?
Depuis lundi 17 août, on a enchaîné à un rythme frénétique : au-revoirs émus à la famille d'Olive, embrassades rapides à Vevey des marraines de Seb et Alex (un dernier voeu pour la route, sans la fée Carabosse ni la Belle au Bois dormant), accueil chaleureux chez mon oncle à Berne et derniers réglages chez nos copains Raphael et Olga, vers Balstahl.
Et ensuite, une dernière visite à la Migros, et c'est le gros saut dans l'inconnu…
De jeudi à samedi, on a fait les routiers : conduite 2h30, pause, changement de conducteur, pause, nuit à proximité de l'autoroute…
Pas très varié, on prend le rythme pour rejoindre la Turquie en mode « tapis collant », sorte d'opération escargot et manif d'agriculteur en tracteur.
Nous sommes en transit.
Curieuse expression.
Comme si nous étions la propre nourriture de notre voyage, l'aliment de base de notre aventure. On se fait digérer, fragmenter en petites molécules utiles ou inutiles à la bonne marche du séjour… Comme dans toute digestion, parfois ça chauffe, puis ça gargouille et finalement, c'est l'apaisement.
J'appréhende la sortie… Pas facile de la rendre glorieuse.
Le 22, c'était l'anniversaire d'Alex. Pour fêter ses 10 bougies, on a quitté l'autoroute… beau cadeau en forme de petits chemins qui mènent à un lac très touristique du sud de l'Autriche, le Faaker See.
Ses campings, ses bars, ses bikers et ses caravanes géantes.
Pour 10 euros, on a le droit de dormir sous un arbre dans un gros parking avec le bruit des voitures (comme d'habitude).
Pour 10 euros, on a le droit de faire 5 minutes de trampoline (comme à Grand Bornand).
Pour 2 euros, on a un café dans une cantine gigantesque (comme à la fête de l'école).
Mais il y a le wi-fi, la place de jeu est excellente, le lac est à la bonne température, les enfants sont ravis, c'est l'essentiel !
Dimanche 30 Août 2015
Ce soir, on arrive en Turquie.
La porte de l'Orient.
Le vasistas de notre destin d'aventuriers … Enfin, restons modestes, ce sera sans les pigeons ni les chambres de bonnes.
Notre quête du soleil levant avance tranquillement, on a déjà changé d'heure, changé d'alphabet (comme si le soleil savait lire…). Il faut juste qu'on s'habitue à suivre les AUTOPUT au lieu des autoroutes, et « mojito » se dit MOPETO, c'est rigolo, le cyrillique est un alphabet aussi mystérieux que les énigmes de Picsou Magazine pour l'été.
C'est marrant de vouloir se rapprocher de l'endroit où l'on voit le soleil repartir dans l'autre sens.
Ça doit être une histoire d'ombre.
Se laisser guider par la marque obscure qu'on laisse au sol à partir de midi.
Un peu comme dans notre vie.
Seb, qui lit par dessus mon épaule, me dit : « On dirait Maître Yoga »… ça doit être un compliment.
Cela fait trois jours qu'on s'est arrêté au bord d'un petit lac bulgare magnifique.
Olive avait repéré sur google earth une petite piste entre les arbres pour rejoindre une plage sans habitations.
Après une capture d'écran réussie et munis de toute notre technologie, nous avons traversé un petit village en bordure de route, croisé quatre charrettes tirées par des chevaux, manqué arracher toute l'infrastructure téléphonique et électrique de la bourgade aux chemins défoncés et de plus en plus terreux et, finalement, nous nous sommes faufilés le long d'une piste pas si abandonnée pour déboucher au bord du lac de … (je n'arrive pas à lire le nom en cyrillique… la honte!), à une quarantaine de kilomètres de Sofia, sur une rive déserte, habitée occasionnellement par quelques pêcheurs.
C'est un endroit de rêve.
On a mis notre camion en face d'une ruine antique de la 2ème guerre, on a brûlé tous les déchets qui traînaient dans les parages, et ça fait trois jours qu'on a oublié pourquoi on était parti…
On se lève vers 10h, on se baigne, on fait semblant de pêcher, on fait du canoë, on nage, on mange, on fait la lessive, la vaisselle, on écoute les poissons passer.
Mais tout à l'heure, on repart, on remballe.
Quel bonheur de se laisser vivre.
