Samedi 10 juin 2016
KAZAKHSTAN
Encore un passage de frontière comique…
On pensait que ça allait être un jeu d'enfant, pour une frontière si récente, à peine sortie de l'adolescence, les petits boutons d'acné tout juste disparus et la barbe à peine naissante. On pensait passer d'une république à l'autre sans encombre, comme on franchit deux doigts de la main qui trempent dans la même vodka et s'abritent sous la même yourte, symbole national pour les deux pays.
Mais c'était compter sans la frénésie douanière qui doit sans doute s'emparer de tous les états de moins de trente ans. Ça me fait marrer de penser que, dans ma jeunesse, leur drapeau et leur hymne national n'étaient même pas nés, et, que, maintenant, on passe des heures pour s'acquitter des formalités douanières.
Ça avait déjà mal commencé, avec un STOP planqué derrière un buisson 500 mètres avant la douane, côté kirghize.
Bien sûr, on ne l'avait pas vu.
Du coup, des policiers ont surgi d'un gros bâtiment. N'ayant pas côtoyé de près des représentants de l'ordre, on a cru que c'étaient des douaniers et on leur a naïvement donné nos passeports. Olive est parti avec eux dans les bureaux et, là, on lui a demandé de payer une amende dans une devise laissée à bien plaire, 50… puis 1000… La facture devenait salée.
Olive a plaidé l'innocence, la bonne foi, puis l'agacement et, sur un malentendu, le policier a rendu les passeports à Olive, qui est reparti au camion sans payer. La prestance de la chemisette de voyage a dû jouer son effet !
Ensuite, on est rapidement arrivés derrière une file de voitures. Toutes les 10 minutes, environ, un douanier ouvre un grand grillage et laisse passer une voiture, qui s'engage alors sur le pont qui sépare les deux pays. Sur le bord de la route, il y a des vendeurs de fraises, de cerises et d'abricots pour nous aider à nous faire patienter. Les fruits ont le temps de finir de mûrir, au cas où ils aient été encore un peu verts…. On en a profité pour faire notre marché avec nos dernières devises et se mettre un peu de rouge sur les doigts, avant de partir pour la grande épreuve de la traversée de la douane.
Cela peut s'apparenter à un travail, avec contractions douloureuses, attente fébrile, perte des eaux et expulsion dans un nouvel univers où l'odeur maternelle reste la même, bien que les couleurs soient plus vives et les sons plus prononcés.
Seuls les conducteurs peuvent rester dans les véhicules. Les passagers doivent donc franchir la douane à pied, avec tous leurs bagages, comme ça les douaniers n'ont pas besoin d'ouvrir le coffre. On s'est ainsi retrouvés, les 3 enfants et moi, coincés dans un étroit couloir à ciel ouvert d'environ 500 mètres, reliant la rive kirghize à la rive kazakhe. Il faisait chaud, on transpirait et, contre toute attente, il n'y avait aucune civilité dans la queue qui n'avançait pas. Des femmes aux poitrines énormes et au petit gilet brodé écrasaient de leurs seins plantureux et de leurs valises en papier mâché les pauvres enfants qui étaient juste à la mauvaise hauteur. Ça criait en kirghize, en kazakh, en russe pour que la file avance. Ça sentait la vieille chaussette. Et, au final, après cette épreuve du couloir, on était expulsé devant 4 petits bureaux où il fallait continuer à jouer des coudes pour pouvoir glisser son passeport entre cinquante paires de bras et quelques talons hauts de Russes égarées avec leurs lunettes de soleil comme serre-tête sur leurs cheveux blonds peroxydés… une vraie bagarre !
Au final, on a mis presque une heure pour traverser la frontière. Et, une fois de l'autre côté, on a encore dû attendre presque une heure qu'Olive arrive enfin avec le camion, qui avait été scanné et autopsié sous toutes ces faces (vu qu'on n'avait pas réussi à faire tenir toutes nos affaires dans une petite valise…), après qu'Olive eut rempli un formulaire en cyrillique.
Bref, il était déjà 14 heures et on était lessivé. Un pauvre assureur, à ce moment, est arrivé pour nous proposer une assurance pour notre véhicule. On l'a tellement mal reçu qu'il a dû se croire retourné à la pire époque stalinienne où respirer en langue locale était déjà un crime.
Heureusement, après avoir mangé un petit morceau, nous étions de meilleure humeur et nous sommes retournés voir l'assureur pour le remercier d'être venu nous voir et insister pour payer le meilleur tarif à sa compagnie !
Et, après quelques heures de route toute droite, nous étions à Almaty.
C'est très bizarre.
D'un seul coup, on a l'impression d'être dans une ville européenne. Il y a de larges avenues bordées d'arbres, des fleurs sur les ronds points, des jolis lampadaires partout, des barrières de sécurité bien droites, des immeubles tout brillants et des voitures comme chez nous, avec 4 portières, aucune personne qui dépasse par le toit ou la fenêtre, aucun troupeau sur la route…
Et pourtant, la conduite est tout aussi délicate, les conducteurs kazakhs sont complètement fous ! Ils doublent par la gauche, se rabattent n'importe comment, essaient d'échapper aux bouchons en roulant à toute allure sur des pistes en terre qui bordent la route, c'est rodéo. Et, tout à coup, sans crier gare, tout le monde freine car il y a un panneau limité à 20 à l'heure sur l'autoroute et un flic qui surveille que tu ne passes pas à 22 pour pouvoir t'épingler et arrondir ses fins de mois… ça rend la conduite un peu nerveuse et désordonnée.
Mais, en début de soirée, nous avions trouvé un joli terrain vague en plein centre d'Almaty pour pouvoir aller, le lendemain, à l'ambassade russe.
Le visa russe… tout un poème ! La raison pour laquelle nous avions quitté si vite le Kirghizstan, c'est qu'on était un peu préoccupés par cette dernière formalité administrative. Sans ce « sésamouchka », impossible de rentrer en Europe par la voie normale. On serait obligé de faire des embarquements improbables en mer Caspienne pour ressurgir, comme par miracle, en Iran. Mais, la boucle ne serait ainsi pas vraiment bouclée, et on avait juré qu'on ne ferait plus jamais de shipping, de ferries, de barque latine ou de pédalo avec notre camion.
Donc, il nous fallait un visa russe.
Mais c'est là qu'on se rend compte que, voyager à l'ère du 2.0 et de toutes les connexions possibles, ce n'est pas forcément un avantage.
Sur internet, ce n'est pas un scoop très original, on trouve des infos précieuses, mais aussi de gros tuyaux bien pourris, de conseils mal avisés postés par Dédé-le-voyageur-de-l'-extrême, qui a fait un tour de pâté de maison en trottinette dans les années 80 et se croit habilité pour balancer des infos sur les bruits et rumeurs qui grouillent au 3ème carrefour.
Et le visa russe doit faire partie d'une de ces légendes urbaines qui rend ensuite le voyageur si satisfait : visa très dur à obtenir, mais Mag74 a réussi, grâce à ses relations à l'obtenir depuis une ambassade en Mongolie intérieure ; Robert-le-pro-du-Land-Rover a couché avec le taille-crayon du fonctionnaire russe de l'ambassade de Dushanbé, et, après trois semaines de dur labeur, son visa lui a été accordé, et blablabla et blablabla…
Depuis le Pakistan, on avait préparé le dossier.
Une agence français allait nous faire une lettre d'invitation, avec remise tarifaire de l'extrême si on faisait un petit commentaire à leur sujet sur internet. Il a donc fallu attendre d'avoir une bonne connexion pour verser dans la flagornerie virtuelle.
Ensuite, l'ambassade russe de Bishkek, au Kirghizstan, semblait effectivement peu ouverte à l'accueil de touristes étrangers, mais celle d'Almaty, au Kazakhstan, avait l'air d'être mieux disposée. Nous avons donc fait un mail à cette ambassade, qui nous a répondu en cyrillique que nous étions les bienvenus. Mais quand même, on était un peu inquiets d'avoir été abusés par une traduction folklorique de la part de Google Translate.
Et c'est donc ainsi que, le 30 mai, nous nous sommes retrouvés devant l'ambassade russe d'Almaty, par hasard le bon jour (les heures d'ouverture sont le mardi matin et le vendredi après-midi, petit créneau).
Et là, c'était encore une nouvelle expérience.
A 9h30, un plancton boudiné dans ses habits trop petits avec une casquette en forme de roue de vélo nous a fait entrer dans une petite cour. Sa mission : surveiller qu'on ne monte pas les marches qui mènent aux bureaux.
Ensuite, un fonctionnaire tout droit sorti d'un film d'espionnage, cheveux blonds coupés courts et regard fixe, est arrivé avec une liste de noms, un petit stylo et un sous-main. Sa mission : appeler les gens dont le nom figure sur la liste, les faire s'aligner sur la droite de l'escalier et dire aux autres qu'il faut qu'ils composent un numéro écrit sur la gauche de l'escalier. Heureusement, pour les étrangers comme nous, pas besoin d'avoir son nom sur la liste, on peut attendre en bas de l'escalier, mais sur la gauche, devant le fameux numéro que tous les laissers-pour-compte essaient de recopier sur un petit papier. Et ensuite, le fonctionnaire repart.
Il s'en suit un petit jeu discret, style « 1,2,3 soleil » où on s'approche en douce de la 1ère marche d'escalier, et on s'immobilise dès que la porte s'ouvre pour pouvoir être sélectionné pour entrer… Notre galanterie nous a encore perdu, et ce n'est que vers 10 heures qu'on a pu enfin gravir les quelques marches.
Et là, ça a été super faciles. Sous le regard attendri du portrait en trois quart de Poutine, un gros fonctionnaire aimable nous a validé le dossier, indiqué où payer et prié de revenir la semaine prochaine pour récupérer nos passeports. On était presque déçus que ce soit déjà fini.
Pour faire durer le plaisir, on s'est lancé le défi de trouver une carte SIM avec internet dans un grand centre commercial où les seules langues pratiquées étaient le kazakh et le russe… Comique. A force de petits dessins et de négociations avec la calculette, on a obtenu un abonnement pour tout le Kazakhstan avec 10 giga de jour et 10 giga de nuit (d'où l'importance des petits dessins… On ne comprenait pas pourquoi il fallait aller se coucher pour être connectés…)
Et ensuite, on a quitté Almaty.
Pour occuper notre semaine sans passeport, on a commencé par offrir à notre camion un bon graissage intégral dans un petit garage sur le bord de route. Et ensuite, on est allés au Charyn Canyon, une jolie curiosité naturelle à 200 kilomètres à l'est d'Almaty, où on a pu faire un peu de vélo et s'initier au boomerang, sous l'oeil expert d'Herbert, un motard allemand avec qui on a passé une bonne soirée.
Puis, nous sommes allés nous dépayser pour le week-end à un petit lac de barrage à une centaine de kilomètres d'Almaty. Le barrage s'est vidé lors du départ des soviétiques, mais il reste encore assez d'eau pour transformer l'endroit en séjour de rêve, avec mariages organisés sur la rive gauche et grillades de l'enfer sur la rive droite. Nous avons bien sûr choisi un emplacement côté barbecue, pour l'aspect convivial de la saucisse grillée, tout en se faisant bercer au son de la musique nuptiale. Il y avait plein de gens venus camper et manger, l'ambiance était très sympathique, et il y avait du spectacle. Un 4×4 s'est planté dans la rivière, un Kazakh coupeur de bûches pour le barbecue s'est entaillé le pied, Coralie a glissé et est tombée à l'eau (bien fraîche), on nous a offert des saucisses, des bières et des légumes grillés, de quoi satisfaire tout le monde.
Et, après une semaine, on était de retour à Almaty pour récupérer nos passeports et commencer la longue traversée du pays…
Au Kazakhstan, on n'a pas rencontré de gens, on a rencontré un paysage.
Pendant des kilomètres, tu roules en 2 D. Tu peux fermer les yeux et les rouvrir une heure plus tard, la route est toujours toute droite, la plaine toujours plate et les petites touffes toujours bien alignées. Les seules choses qui varient un peu, ce sont les légers mouvements de terrain, les alignements de pylônes électriques qui dévient un peu et les drôles de camions russes qu'on croise. Parfois, il y a trois chameaux dans un coin de l'image, ça donne un peu de mouvement…
L'avantage, c'est qu'on trouve facilement un bivouac. Pas besoin de chercher de l'ombre, y en a pas, pas besoin de chercher un bosquet d'arbres pour se cacher de la route, y en a pas. Du coup, quand c'est l'heure, on tourne les roues à droite (ah… enfin donner un coup de volant, quel plaisir), on passe une petite vitesse (ah… enfin débrayer, quel bonheur), et on se gare à 500 mètres de la route, au milieu des sauterelles et des petits papillons.
Et nous avons ainsi roulé pendant presque 1500 kilomètres … ça laisse le temps de méditer.
Sur notre route, nous avons tout de même fait quelques arrêts remarquables.
Tout d'abord, on est passé à Baikonour. Cela faisait depuis des kilomètres qu'on disait aux enfants qu'on allait voir des fusées, des spoutniks et la brosse à dent de Gagarine. Grâce à wikipedia, Seb et Alex connaissaient toute l'histoire et, pendant des kilomètres, on a guetté une paire d'antennes, des paraboles géantes, des fuselages effilés.
Et voilà que, arrivés enfin à la petite ville de Baikonour (qui est tout de même à 900 kilomètres d'Almaty), on a dû rester en orbite, impossible de rejoindre la base… On est un peu naïfs, on aurait quand même pu se douter qu'il n'est pas si facile de mettre le pied là où seuls les mieux entraînés ont le droit de venir contempler la voûte céleste en immersion complète. Mais, on a cru que ça allait être comme le Taj Mahal : tu paies une entrée bien chère, on te donne des chaussons ridicules pour ne pas abimer le parquet et tu peux ainsi contempler une merveille du monde. Mais pas du tout.
Le site de Baikonour, ainsi que la petite ville du même nom, sont restés russes. La Russie paie un loyer très cher au Kazakhstan pour pouvoir continuer à envoyer ses fusées dans l'espace depuis cette base perdue au milieu de nulle part. Pour la petite histoire, le site avait été choisi, justement, pour tout ce qu'on n'y trouve pas : pas de reliefs, pas d'habitants, pas de voisins. Tout a été « inventé » à cet endroit, même le nom « Baikonour » n'existait pas, il correspond au nom d'un petit village à 300 kilomètres de là, destiné à leurrer les Américains sur la localisation précise de l'endroit… Actuellement, il faut donc une autorisation russe pour pouvoir entrer sur le site (qui fait tout de même 7000 kilomètres carré) et même si, sur mon application « Maps me », c'est marqué qu'il y a un musée et la maison de Gagarine sur la 3ème allée à gauche, et bien ce n'est pas ouvert au public qui arrive bêtement en gros camion devant le poste d'entrée. Et pour entrer dans la petite ville de Baikonour, c'est le même problème. Il y a un « poste frontière » et seuls les Kazakhs et les Russes sont autorisés à entrer dans la ville.
On était donc là, comme des imbéciles, après 3 jours de route intense, à pouvoir juste photographier le panneau d'entrée…
Du coup, pour se donner tout de même une contenance, on est allés dans la « banlieue » de Baikonour, qui est en territoire kazakh. Et, par 30 degrés à l'ombre, les garçons sont allés se faire couper les cheveux pour avoir une coupe de cheveux de l'espace, on est allés jouer avec Coralie à une place de jeux où la balançoire te met en apesanteur, et on est allés faire les courses pour avoir, tout de même, une carotte de Baikonour et un paquet de pâtes qui datent de l'époque de Gagarine. La blague, c'est que les prix étaient en rouble, dont la valeur est 4 fois plus petite que le « tenghe », la monnaie locale. Du coup, j'avais fait le plein de saucissons et de fromage, en me disant qu'on avait du bol d'être tombés sur cette petite épicerie qui, non seulement affichait les prix, mais les faisait également 4 fois moins chers qu'ailleurs. Mais, arrivée à la caisse, j'ai eu l'air super ridicule car la vendeuse a sorti sa calculette et a tout multiplié par 4, ce qui remettait le saucisson à un prix de cochon, forcément…
Et ensuite, on a roulé quelques 300 kilomètres pour aller voir un autre truc où il n'y a rien à voir : la mer d'Aral.
Pour montrer aux Américains qu'ils savaient aussi développer des produits de première nécessité, les Russes ont détourné deux fleuves, dans les années 50, pour se lancer dans la culture intensive du coton. Je ne sais pas s'ils ont aussi importé la trompette de Louis Amstrong pour faire ambiance mais, ce qui est sûr, c'est que la « mer » d'Aral ne s'en est jamais remise. Et, depuis, elle s'évapore tranquillement sur des kilomètres carrés.
On s'est donc promené sur les fonds marins pendant une petite semaine avec notre camion, pour rejoindre des « îles » ou des « criques » où se trouvent encore des maisons fantômes et des épaves de bateaux à ciel ouvert.
C'est bizarre, parce que c'est à la fois super excitant et très déprimant de rouler au fond de la mer. Pendant des kilomètres, tu entends le bruit des petits coquillages tout secs qui se font broyer par nos pneus gigantesques, tu zigzagues entre les massifs de coraux fossilisés et tu pêches le lapin à l'hameçon.
Un copain nous avait passé une trace GPS pour aller sur une « île », à 100 kilomètres des « côtes ». Le trajet est assez surprenant. Il y a des endroits où les roseaux ont envahi le terrain. Il faut donc rouler « à vue » (mais, justement, on ne voit rien…) au milieu d'une végétation dense et relativement haute. Quand on descend du camion pour voir si le terrain est bien dur, on voit à peine nos têtes qui dépassent… Et puis, à d'autres moments, on roule pendant une heure sur un grand « fond » tout lisse, en se demandant si la petite bosse, tout au fond, n'est pas une baleine échouée. Les enfants se sont régalés, car ils ont pu tous conduire le camion, pas de risque de renverser un sapin.
Et, sur l'île, c'était la place de jeu ! On pouvait entrer dans les vieilles maisons, ouvrir les vieilles armoires, pousser de vieilles portes branlantes (enfin, c'est marrant, mais tout cela n'est pas si « vieux »… l'île était encore habitée dans les années 90) et monter sur tous les tracteurs et autres engins rouillés qui trainaient dans le coin.
Et, pour que la visite soit complète, on est tout de même allés voir la vraie mer d'Aral, enfin, ce qu'il en reste. Pendant 2 jours, on est restés sur la rive qui est proche de l'embouchure de la rivière, ce qui fait que l'eau n'était presque pas salée, et on s'est régalés. On a sorti le canoë et les boules de pétanque. Les enfants pouvaient jouer des heures dans 70 centimètres d'eau sur des kilomètres et serpenter au milieu des roseaux avec le canoë, de vrais aventuriers.
Et bien sûr, nous sommes allés aussi traînasser dans la petite ville d'Aralsk, mais c'est une vraie désolation. Il y a de longues barres d'immeubles très soviétiques en train de se délabrer gentiment. Il fait super chaud et ça pue le vieux poisson des années 80. Le « port » achève de rouiller derrière des palissades et l'ancienne mer est désormais la déchetterie de la ville. Des flaques roses de sel bordent les alentours, c'est franchement déprimant. Les seuls habitants qu'on a croisés et avec qui on a parlé étaient des jeunes un peu excités qui nettoyaient leur voiture à côté du « tuyau » d'eau potable qui dessert tout le quartier. Visiblement, il n'y a pas l'eau courante à Aralsk. Ça fait bizarre de voir des gens habillés à l'européenne, avec des portables derniers cris, qui viennent avec des bidons et des seaux pour les remplir à la « fontaine ».
A une soixantaine de kilomètres d'Aralsk, il y a une ancienne crique avec de vieux bateaux morts. On a fait le déplacement, mais c'était pas terrible… Les chameaux ont envahi la cabine de pilotage, tout est rouillé et on n'entend même plus le bruit des mouettes, c'est triste.
A propos des gens, c'est très curieux, mais on ne rencontre plus personne.
Les gens passent à côté de nous, nous demandent d'où on vient, puis ils repartent. Parfois même, ils ne nous adressent pas la parole ou nous engueulent parce qu'on roule sur le côté de la piste qu'ils voudraient emprunter. Il faut dire que, depuis le Kirghizstan, une des grandes difficultés est la langue. Pratiquement personne ne sait l'anglais, et nos connaissances en russe sont un peu basiques. Mais, dans les autres pays qu'on a croisés, lorsqu'on ne se comprenait pas, on prenait quand même le temps d'essayer. Et là, après quelques tentatives infructueuses, on se fait presque mal voir parce qu'on n'a rien compris et les personnes repartent sans presque nous dire au revoir. Ça fait bizarre, on a presque l'impression qu'on est déjà rentré à la maison !
Et ensuite, après cette escapade à la mer d'Aralsk, on est partis tout droit en direction de la frontière russe, car on doit retrouver notre copain Cyril et sa nouvelle copine Armony pour une petite promenade dans l'Oural. Ils sont repartis pour 6 mois en direction de la Mongolie, ça fait rêver…